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← articles plus anciens 06 août 2014 , par au fil du bosphore l’opposition a du mal à faire émerger un candidat crédible à la présidentielle turque le monde | 05.08.2014 | par guillaume perrier (istanbul, correspondance) a quoi sert l’opposition ? face à recep tayyip erdogan, premier ministre depuis 2003 et principal candidat à l’élection présidentielle ce dimanche 10 août, est-elle encore une fois condamnée à faire de la figuration ? les huit derniers scrutins organisés en turquie ont tous été remportés par le parti de la justice et du développement (akp, islamo-conservateur, au pouvoir), et celui-ci ne devrait pas déroger à la règle. « un second tour serait déjà une grande surpris e » , estime le journaliste kadri gürsel, éditorialiste pour le quotidien milliyet . les deux autres candidats partent en effet avec de sérieux handicaps. « la compétition n’est pas équitab le » , juge ekmeleddin ihsanoglu, principal adversaire de m. erdogan, qui a reçu le monde dans sa résidence stambouliote. « la campagne a été réduite à trente jours, c’est très court. de plus, les candidats ne bénéficient d’aucun financement public. les donations privées sont autorisées dans la limite de 9 000 livres turques . mais, pour notre concurrent, c’est tout l’appareil d’etat, les fonctionnaires, les médias, qui sont à son service. » m. ihsanoglu a été investi par les deux principaux partis d’opposition : le parti républicain du peuple (chp, kémaliste) et le parti d’action nationaliste (mhp, ultranationaliste). le troisième candidat est le kurde selahattin demirtas, auteur d’une campagne dynamique, tournée vers les exclus du système politique – femmes, jeunes, ouvriers, minorités –, mais handicapé par ses origines politiques, proches de la guérilla du parti des travailleurs du kurdistan (pkk). « soutien médiatique disproportionné » à erdogan les portraits géants du premier ministre en « homme de la nation » et « leader du changement » ont recouvert les panneaux publicitaires et les bâtiments officiels. la propagande de campagne envahit la télévision et les journaux, majoritairement sous le contrôle de proches du gouvernement. mais, là encore, la répartition entre les candidats est peu équitable. selon le décompte effectué par le site d’information indépendant t24 , fin juillet, la télévision publique trt consacrait chaque jour 1 heure et 48 minutes au candidat erdogan, contre 2 minutes et 38 secondes à m. ihsanoglu et 8 secondes à m. demirtas… ce dernier a préféré ironiser. « je ressens joie et excitation à l’idée de m’adresser à vous sur les écrans de la trt, une chaîne absolument impartiale, objective et qui garde la même distance vis-à-vis de de tous les candidats » , a-t-il raillé dimanche 3 août, au cours d’un meeting à istanbul. le patron de la télévision d’etat avait menacé de fermer son antenne à m. demirtas en cas de critiques renouvelées. « jamais, depuis les années 1950, une élection ne s’était déroulée dans des conditions aussi inégales, estime soli özel, politologue à l’université kadir has d’istanbul. non seulement erdogan utilise toutes les ressources de l’etat, mais en plus, il jouit d’un soutien médiatique disproportionné. » pour tenter de sauver la face après leur échec aux municipales du 30 mars, les deux principaux partis d’opposition ont tenté un coup de poker en proposant un candidat commun. mais en allant faire campagne sur le terrain de son adversaire, l’ancien « establishment » politique a soulevé de nombreux doutes sur sa stratégie. le chp, miné par des divisions internes, n’a pas réussi à prendre un tournant social-démocrate et libéral pour contrer m. erdogan. les ultranationalistes, eux, s’opposent à toute évolution sur la question kurde. « ce n’est pas un choix personnel, justifie m. ihsanoglu. c’est le résultat d’un consensus national qui va de l’extrême gauche à l’extrême droite » , veut-il pourtant croire. « bâtir des ponts entre orient et occident » cet homme courtois et posé est un peu l’anti-erdogan. diplomate de carrière et scientifique de formation, il met en avant son expérience internationale, puisqu’il a dirigé pendant neuf ans l’organisation de la conférence islamique. « je suis un patriote et un conservateur, au sens social et culturel. et j’ai passé une bonne partie de ma vie à bâtir des ponts entre orient et occident » , affirme-t-il. il assure avoir soutenu la révolte de gezi, à istanbul (d’où étaient parties, en mai 2013, les manifestations populaires anti-erdogan), et vouloir « une turquie compatible avec la démocratie et les droits de l’homme » . mais ses parrains l’obligent à un grand écart idéologique. interrogé sur le droit à l’avortement, un acquis remis en question par l’akp, le candidat des « laïcs » répond que « si vous êtes croyant, l’avortement est encadré par la religion » . il affirme un jour que « le kurde n’est pas une langue au sens scientifique » , reprenant les vieilles théories nationalistes turques. et le lendemain, qu’il soutient le processus de paix avec la guérilla du pkk, souvent considéré par ses électeurs nationalistes comme une ligne rouge. ces hésitations et contradictions ont été exploitées par m. erdogan. pour le premier ministre, m. ihsanoglu est un « mon cher » , une expression employée pour moquer les diplomates mondains, souvent francophones. le patriotisme et la piété affichés par l’opposant sont contestés par les partisans de m. erdogan. « il parle trois langues ? très bien. nous ne cherchons pas un traducteur mais quelqu’un pour diriger le pays. (…) nous n’avons pas besoin d’un secrétaire de la république de turquie mais d’un président » , a lâché, dimanche, le candidat de l’akp dans un meeting ouvert par l’hymne national et clos par une prière musulmane. guillaume perrier (istanbul, correspondance) journaliste au monde publié dans actualité , politique | marqué avec demirtas , erdogan , ihsanoglu , présidentielle , turquie | 5 commentaires 17 juin 2014 , par au fil du bosphore réfugié au kurdistan, le gouverneur de mossoul raconte la chute de sa ville athil al-nujaïfi est un gouverneur en exil. le 10 juin, il a dû fuir précipitamment de son fief, mossoul, deuxième ville d’irak, devant l’avancée des djihadistes de l’etat islamique en irak et au levant (eiil). il a été contraint de changer trois fois de lieu pour échapper aux nouveaux maîtres de la ville. réfugié à erbil, dans la région autonome kurde, à une centaine de kilomètres à l’est, il nous reçoit dans sa suite, au vingtième étage d’un grand hôtel. agé de 56 ans, cet homme d’affaires sunnite, dont le frère aîné, oussama, préside le parlement irakien, est issu d’une grande famille de mossoul. une baronnie installée depuis quatre siècles et possédant d’importants haras, dont le sort préoccupe particulièrement m. nujaïfi. ce leader sunnite s’est rendu incontournable à mossoul en défendant la réintégration dans le jeu politique de milliers d’anciens officiers baasistes mis au ban après la chute du régime. grâce à une relation pragmatique avec l’administration américaine, il s’impose comme gouverneur de la province de ninive en 2009. il s’est opposé frontalement aux kurdes de massoud barzani. les peshmergas occupent une partie de la province. ce qui ne l’empêche pas de se retrouver aujourd’hui allié avec eux. le gouverneur de la province de ninive, réfugié à erbil, au kurdistan irakien, après la prise de mossoul par l’etat islamique en irak et au levant. | mathias depardon/pour « le monde » racontez-nous comment mossoul est tombée… dès le 6 juin, nous avons commencé à entendre que l’eiil se trouvait à l’ouest de mossoul. nous avons envoyé un message au commandement militaire de la province de ninive. ils ont répondu qu’ils se préparaient. les djihadistes ont rapidement occupé trois quartiers de la ville. les deux chefs de l’état-major de l’armée irakienne sont venus à mossoul et m’ont assuré que la situation était sous contrôle. mais j’ai vu que l’eiil continuait d’avancer. je suis retourné les voir le 10 juin au matin. ils m’ont dit : « tout